vendredi 4 juin 2021

GUINOT Valérie, Azilis (Trilogie)

Voici une trilogie qui me tient à coeur ! J'ai fait ici un retour dans le passé, dans mon adolescence pour reparler d'une trilogie sortie chez Rageot à l'époque où ils avaient encore la bonne idée de sortir de jolies édition grand format. Epoque oubliée malheureusement ... Il s'agit donc d'une relecture d'un roman presque oublié.



La quatrième de couverture ne vous évoquera pas grand chose et c'est peut-être le but poursuivi.

" Ne voyez-vous pas le chemin du vent et de la pluie ?

Ne voyez-vous pas  les chênes qui se heurtent ?

Ne voyez-vous pas la mer fouetter la terre ?

Ne voyez-vous pas le soleil hâter dans le ciel ?

Ne voyez-vous  pas les étoiles tomber ?

Ne voyez-vous pas le monde en danger ?"


Toutefois, ce renvoi à la nature nous évoque la magie druidique. Et ce n'est pas innocent.
Azilis, notre héroïne, qui est surnommée Niniane, est amenée à accompagner son cousin barde pour offrir une épée magique, Kaledvour, au roi de Bretagne, autrement dit Ambrosius Aurélianus, qui défend sa terre contre les Saxons. Vous n'y êtes pas ? Un petit indice encore, le fils de ce roi se nomme Arturus et son bras droit, Caius, est Bretonnisé en Caï. Voilà, je suis sure que vous y êtes ! La légende arturienne !


Vous avez un contexte mais, que nous livre ce roman et pourquoi je l'ai tant apprécié ?


Cette trilogie est avant l'histoire d'un duo, d'un couple improbable, qui fait de l'histoire une légende immortelle. Azilis est une jeune femme de 16 ans, seule fille du riche Appius. Son intelligence et son bravoure en font la favorite de son père. Mais elle est également bretonne par sa mère, ce qui lui donne un goût particulier pour la liberté et les sciences occultes (druidiques) qu'elle apprend secrètement de Rhiannon dans sa Gaule natale. Elle est toujours accompagnée par Kian, l'esclave qui est chargé de la protéger mais est secrètement amoureux d'elle. Ensemble, ils fuient le domaine familial dans un élan de liberté : elle, pour éviter un mariage avec un homme violent que sont frère Marcus veut lui imposer, lui, pour l'accompagner et parce que sa vie d'esclave ne vaut plus très cher auprès de Marcus.

Il y a donc pas mal de scènes d'action liée à leur fuite éperdue en Gaule mais pas seulement. Alors qu'elle est encore au domaine familial, Azilis reçoit la visite de son cousin Aneurin qui part vers la Bretagne en guerre pour apporter une épée de roi. Immédiatement, elle tombe sous son charme et décide de le suivre sur l'île. Une grande part sentimentale vient supplanter le tout et certains moments sont particulièrement émouvants pour un lecteur adolescent.

Azilis est peut-être un personnage exigeant, impérieux, orgueilleux et distant mais elle a une fragilité et une ouverture d'esprit qui la rende touchante. Au fur et à mesure de son voyage, elle grandit, et de l'adolescente égoïste devient une jeune femme qui doute et qui comprend mieux le monde qui l'entoure. Azilis devient Niniane, comme la fée qui apporta son épée à Arthur. Quant à Kian, difficile de passer à côté de lui tant son rôle est primordial. De son caractère hésitant et introverti, il ose s'exprimer et prendre ses décision. Prompt au sacrifice pour Azilis, on sent aussi qu'il sait qu'il n'a d'autre voie que de la suivre. Du moins au début ! Quand les batailles pour la Bretagne commencent, il y prend part et nous introduit dans le monde de la chevalerie. Plus transparent qu'Azilis, c'est un personnage directement attachant qui amène plus de douceur et est bien plus émotionnel qu'elle. Tout l'inverse de certains stéréotype sur la rationalité masculine.

Valérie Guinot fait parfois l'économie de certaines descriptions mais se sert des termes de l'époque pour nous introduire de cet univers. Ce n'est pas une mauvaise chose car il est impossible de ne pas avoir certaines images de séries ou films qui dansent devant nos yeux. Et l'écriture est plutôt directe, sans fioriture, laissant une place plutôt importante aux dialogues et pensées des personnages. En cela, il ne plaira malheureusement qu'à une tranche de 12-18 ans.

La fin de ce premier tome nous laisse entrevoir des personnages mythiques qui serviront par la suite. Le mystérieux barde Myrddin aux yeux vairons et dont la langue dirige la politique et la guerre (Merlin donc), le charismatique dux bellorum Arturus (roi Arthur), et le séduisant frère aîné de l'héroïne Caius (Kaï) et j'en passe.


Je continue avec le second tome ...





"- Tu entendras peut-être d'étranges légendes à mon sujet, Azilis. On raconte que je suis né de l'union d'une vierge et d'un démon. Que je parlais dès ma naissance. Que j'ai plus de cent ans. Ne détrompe jamais ceux qui racontent ces bêtises car, sans le savoir, ils augmentent mon pouvoir. En te livrant la vérité, je m'affaiblis. Le comprends-tu ? Alors jure-moi de garder ces révélations secrètes ..."

Ici vous l'aurez bien vite compris, ce second tome va faire la part belle au druidisme. C'est le bon point de ce roman, nous initier aux pouvoirs occultes et nous faire rêver sur cette magie basée sur la terre et les plantes. Et ce sur une mythique île au centre d'un lac qui donnera un nouveau surnom à Azilis : la dame du Lac. On découvre mieux Myrddin - à moins que ce ne soit qu'une ruse pour mieux nous perdre -  tellement ce personnage semble fait de deux facettes opposées. La plus douce est réservée à Niniane pour laquelle il est tombé follement amoureux et la plus sombre et manipulatrice aux hommes qui l'empêcheront de l'avoir à ses côtés. Je pense qu'on ne peut que détester et adorer ce Myrddin tant son obstination est passionnante. Il sait que l'aimer peut le conduire à sa perte et pourtant ! Tout n'est que contradiction avec lui, on ne s'ennuie jamais.

Malheureusement, ce tome subit la malédiction du tome intermédiaire des trilogies. Si vous ne connaissez pas, sachez que beaucoup de romans sont prévus pour être sorti en trois tomes : à l'écrivain de s'arranger pour que l'histoire se tienne bien dedans et tant pis pour la qualité. On ressent ici ce problème : le rythme est moins soutenu, les évènements émotionnels tirent un peu trop en longueur et il y a peu d'évènements qui bouleverse tout. Il reste agréable mais ce n'est pas avec celui-ci que vous serez séduit.

Il faut donc se tourner vers le troisième et dernier tome ...




Le tome précédent nous avait laissé sur la faim concernant ce qui est arrivé à Ninian, le jumeau d’Azilis qu’elle a vu en rêve ? L’enchanteresse aussi et part à sa recherche accompagnée de personnes de confiance. C’est tout un retour en arrière, un bond vers le passé en retournant en Gaule et à sa villa natale. Le doute et la culpabilité d’Azilis est bien touchante.

Je vous rassure tout de suite : vous aurez le fin mot sur le destin de Ninian et c’est une assez belle histoire pour ce personnage un peu trop naïf et gentillet. L'auteur a conservé ce principe bienveillant de la croyance chrétienne qu'est l’amour et le pardon pour en faire un fil conducteur qui assure un peu de consistance tout en restant la simplicité d’un récit pour adolescents.

Pour en revenir à Azilis, c’est un personnage que j’admire toujours pour sa force de caractère, sa sensibilité qui mûrit, son combat pour la liberté dans un monde où les hommes font la loi (ce qui nous est durement rappelé avec le mariage « forcé » de Gwendifar ou Guenièvre si vous ne situez pas) mais aussi sa féminité qu’elle n’abandonne pas. Oui, Azilis a beaucoup évolué depuis le premier tome. Malheureusement, c’est un personnage qui se connaît mal et qui pense trop souvent savoir déjà ce qu’est l’amour ... et qui se trompe lourdement. A croire qu’on ne peut aimer deux personnes, elle en perd un de ses amour, lui brisant le cœur bien plus profondément que son histoire avec Aneurin. Kian ou Myrddin ? Si vous connaissez un peu la légende arthurienne (Viviane qui emprisonne à jamais Merlin par un sort) vous devinerez un peu ce qui va se passer. Après tout, l’auteur cherche vraiment à respecter certains éléments historiques et mythiques.

Il y a un moment particulièrement émouvant pour moi mais vous le décrire revient à trop spoiler... Je vous en livrerai juste ce passage que je trouve beau et qui soulève bien la dualité dans les personnages de Niniane et Myrddin et sublime la notion d’amour face à l’éternité. C’est un moment triste pourtant et la santé mentale d’Azilis ne tient qu’à un fil. Sa souffrance fait peut-être particulièrement en moi mais, malgré les années, je continue à trouver un romantisme magnifique dans ce récit.

"- Je suis ta compagne d'éternité.
Les ténèbres, les mensonges et les secrets s'évanouirent.
- Mais Azilis me demeure étrangère.
Ne restait que le vent, la passion, la lumière.
- Abandonne Azilis à la Terre. Laisse Niniane t'aimer.
La forêt bruissait. Loin - près - la mer grondait contre des roches ...
- Azilis mourra. Niniane est immortelle. Comme moi.
Le temps des pierres ...
- Immortelle et tienne pour l'éternité. M'attendras-tu le temps d'une vie humaine ? Je reviendrai souvent avant de rester pour toujours.
... l'éternité.
- Le Temps n'existe plus pour moi, Niniane. Je t'attendais. Je t'attends. Je t'attendrai. Où que tu sois, je suis à tes côtés. Ma prison a un centre mais elle n'a pas de frontières. Tu es le centre de mon éternité. "

Je pourrais parler de chaque personnage indépendamment tellement ils sont tous intéressants mais ça ferait long. Notons juste cet amour filial qui naît entre Oswin et Kian et qui nous fait un beau clin d'oeil à Lancelot (adopté par la dame du lac et amoureux de Guenièvre).

La fin du récit cède a quelques facilités sans aucun doute et peut-être serez vous insatisfaits de ne pas connaitre la revisite de toute l'histoire d'Arthur. Que devient le mariage d'Arturus et Gwenhwyfar (Guenièvre) ?  Comment Arturus va gérer son royaume ? Tout ça restera à notre imagination bien que la légende nous donne les grandes lignes. 

Au final, ce sont trois tomes qui lisent vite bien qu'ils paraissent épais. L'écriture y est pour quelque chose, avec sa fluidité et sa simplicité, mais également au choix de l'éditeur pour l'impression  particulièrement confortable à lire avec de grands caractères et un papier plus épais et résistant.

J'espère que cette chronique vous aura plus. Vous retrouverez ci-dessous quelques informations supplémentaires purement pratiques.


Remarques pratiques

La trilogie Azilis est donc constituée de 3 tomes :

  1. L'épée de la liberté
  2. La nuit de l'enchanteur
  3. Le sortilège du vent

Il est impossible de les trouver autrement que sous cette édition en grand format. L'édition elle-même est solide et reste belle malgré les années et les re-re-re...-lectures. Pas de livres de poche pour les petits budgets et les petites étagères ...


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